5 Août 2017
Si les hommes croyaient en la survie, beaucoup moins nombreux seraient ceux qui pensent : " Tout est permis, tout est possible, il suffit de ne pas se faire prendre ; et même si l'on se fait prendre, qu'est-ce qu'on risque ? La justice humaine est si arrangeante, si laxiste, la boiteuse est si bonne fille."
La face du monde serait changée : le mal serait moins arrogant, moins sûr de lui, à l'idée de rencontrer un jour cette justice aux balances exactes qui a pour nom : loi de cause à effet. Messieurs les assassins, poseurs de bombes, preneurs d'otages, bourreaux et violeurs d'enfants, seraient au moins retenus par la peur de se retrouver, de l'Autre Côté, dans les angoisses infligées à leurs victimes. Les bourreaux d'animaux sauraient, eux aussi, qu'ils auront des comptes à rendre.
La face du monde serait changée : le crime de sang serait plus rare. Plus rare aussi le crime mental, qui consiste à détruire psychiquement un être par la critique incessante, l'humiliation, la calomnie. Le crime mental, qui échappe entièrement à la justice humaine, est encore plus révoltant que l'autre, parce qu'il ne prend aucun risque, s'étale sur des années et parfois sur toute une existence. C'est le crime parfait, seulement parfait sur la Terre.
La face du monde serait changée : ceux qui ont opté et œuvré pour le mal seraient en partie freinés. En revanche, ceux que le malheur accable se diraient:" Je suis dans le creux de la vague, bientôt j'émergerai et, si les beaux jours ne surviennent pas ici, ils surviendront dans l'autre vie, infiniment plus longue que celle-ci."
Les aveugles, les sourds, les handicapés, les paralysés, supporteraient mieux leur épreuve en sachant qu'elle est provisoire et que, dans un corps spirituel délivré de toute infirmité, ils verront, ils entendront, ils marcheront. Et là-bas, les aliénés recouvrent la raison.
La tentation du suicide disparaîtrait, puisque ce geste ne débouche pas sur le néant, puisque l'on retrouve Là-bas les problèmes auxquels on croyait échapper. La drogue, ce suicide partiel, ferait moins de ravages, car il faut savoir que la souffrance du manque est terrible de l'Autre Côté.
L'Au-delà, quoi qu'en pense certaine littérature qui fait dans le bleu et le rose, ce n'est pas Alice au pays des merveilles, ce n'est pas davantage Disneyland. Tout le monde n'est pas beau là-bas, et tout le monde n'est pas gentil.
Si les hommes croyaient en la survie, les prophètes de l'absurde et l'existentialisme athée auraient eu dans les années 50 moins de zélateurs. Les fanatiques , les fondamentalistes, les barbus de tout poil mettraient en ce moment une sourdine à leurs clameurs et ne feraient plus haïr le nom sacré de Dieu.
La vieillesse ne serait plus une période de stagnation et d'anxiété, mais le temps précurseur de la nouvelle naissance, l'attente du renouveau et du recommencement. " Il y a tant de choses à faire, dirait la personne âgée, avant que je m'en aille et que je disparaisse. "
Ceux qui ont perdu un être aimé, principalement un être jeune, continueraient, certes, à être déchirés sur le moment : un enfant qui meurt c'est la fin du monde. Mais l'apaisement viendrait plus vite et il aurait bientôt les caractères de la joie.
Si les hommes croyaient en la survie immédiate et concrète, ils comprendraient le sens intime des Ecritures, elles ne leur apparaîtraient plus comme des récits mythologiques, comme des recueils de dogmes incompréhensibles ; elles auraient enfin à leurs yeux un contenu objectif. Les religions, qui se présentent la plupart du temps comme des écrans entre Dieu et ses créatures, seraient enfin fidèles à leur vocation, qui est d'apporter au monde les paroles de la Vie éternelle et universelle.
Bref, si le hommes croyaient en la survie, la mort ne serait plus synonyme de fin et d'anéantissement, le mal serait moins mauvais, le bonheur moins fragile, les épreuves moins lourdes, la Révélation plus claire et la vie plus vivable, qu'elle soit quotidienne ou internationale.
Tous ces thèmes ont été développés par Jean Prieur dans plus d'une trentaine de livres.