7 Décembre 2017
Mondialement connu pour ses ouvrages sur la communication avec les morts, le père François Brune est aussi un théologien, défenseur d’un réenchantement du monde par l’expérience de notre lien intime au divin. Entre mystère et lumière, portrait d’un homme de coeur.
« Réaliser la volonté de Dieu… Et le paradis, le plus vite possible ! » Telle est l’ambition du père François Brune. À 81 ans, il estime avoir fait son temps et n’est pas effrayé par la perspective de la mort « Je sais que la mort n’est qu’un passage ; ce sera le plus beau jour de ma vie ». En attendant, il vit dans son appartement parisien, entouré des icones qu’il connait si bien et de ses 170 bandes dessinées « seuls ouvrage de ma bibliothèque dont le taux de lecture dépasse largement les 100% » et des centaines de livres soigneusement rangés par catégories. Quand il n’est pas occupé par la réedition de Christ et Karma (paru à l’automne 2012), le prêtre rejoint son ami Henry Vignaud pour un café, contemple le ciel de sa fenêtre ou regarde la télévision: « Pas mal d’émissions de politique et d’économie », ainsi que « d’épatantes petites séries policières. L’histoire je m’en fous, ce qui m’intéresse ce sont les expressions des visages, les rapports entre les personnages ».
Prêtre et enquêteur
François Bune, en plus d’être prête, est un chercheur qui cherche à bousculer l’ordre établi. « Je suis venu à l’écriture parce que j’avais des choses à dire, explique t-il. D’abord contre la théologie de saint Thomas d’Aquin qu’on a essayé de me faire avaler dès mon entrée au séminaire, puis contre la théorie, acceptée un temps par l’Église, que lorsque le bonhomme est mort, sa conscience est détruite. Il n’existerait donc plus rien de lui, sauf dans la pensée de Dieu. Pas très consistant ! » Le prête n’accepte pas non plus certains mythes chrétiens, « des gens pas du tout allumés, capable de créer des ordres religieux et de négocier avec les puissants, qui témoingent avoir été conseillés, parfois matériellement aidés, par les saints qui leur sont apparus ».
Après avoir été ordonné en 1960, le prête sera expulsé de plusieurs séminaires le jugeant trop subversif. Il subvient alors grâce à ses proches et des petits boulots avant de découvrir en 1970 les expériences aux frontières de la mort, notamment via le livre du Dr Raymond Moody La Vie après la vie. Il décide de s’informer et part aux États-Unis rejoindre l’IANDS (International Association for Near Death Studies).
C’est là-bas qu’il apprend l’existence de techniques de communication avec les morts : « Comme la plupart des gens, j’ai d’abord pensé que c’était de la foutaise. Dans ce genre de messages, on trouve tout et n’importe quoi ! » Les oeuvres de Jean Prieur, Pierre Monnier et Roland de Jouvenel ébranlent ses certitudes et finissent par le convaincre. Il y trouve aussi plusieurs preuves de l’existence de Dieu, tel que l’évocation récurrente de « cette lumière extraordinaire, dont les catholiques ne savent pas trop quoi faire, alors que les orthodoxes lui consacrent toute une théologie », et du ressenti unanime « d’un amour absolu, inconditionnel et personnel ».
Un succès innatendu
En 1998, après dix ans de recherches, le prêtre se lance enfin et écrit son premier ouvrage « Les Morts nous parlent » où il affirme que l’on peut dialoguer avec l’au-delà. Le livre n’était pas destiné à être un succès jusqu’au jour où un journaliste de Paris Match a consacré un long article au père Brune. « Ravi de cet intérêt pour mon travail, je me suis prêté au jeu. Il m’a emmené au cimetière Montparnasse pour me photographier devant des tombeaux entourés de fumigènes. Heureusement, sa rédaction a trouvé ça un peu gros. » L’article est un succès si bien que les médias s’emparent du sujet. Le succès est tel que les ventes s’emballent et que le livre doit être retiré en urgence. Le livre, traduit en une dizaine de langues, s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires, chose qui a permis au prêtre de faire plusieurs fois le tour du monde.
Cependant, l’Église n’est pas aussi enthousiaste, embétée par le « cas Brune » et le dialogue avec l’au-delà, elle préfère lui laisser une« paix pontificale ». Le prêtre préfère rester vigilant: « Tous les esprits ne sont pas bienveillants; essayer de communiquer avec les morts, c’est risquer d’ouvrir la boîte de Pandore. Mais c’est aussi établir une communication directe avec l’au-delà, qui ôte au clergé le rôle d’intermédiaire sur lequel il a établi son autorité ! »
Un dieu d’amour
Ce que le prête considère le plus reste son travail de théologien. « Dans le domaine de l’après-vie, je ne suis plus indispensable ; il y a désormais quatité de gens très qualifiés pour faire avancer le sujet. Alors que pour défendre la vision de Dieu qui m’est chère, je suis encore bien seul. » Il ne partage pas l’idée d’une religion faite de règles doctrinaires et d’idées péremptoires. Il ne partage pas non plus l’idée d’un dieu dominateur et culpabilisant, juge suprême un peu sadique. « Cette théologie de la prédestination et de la vengeance me fait horreur! Qui voudrait d’un tel dieu ? Pour moi, son unique moteur, c’est l’amour. »
Le père Brune voudrait un retour à l’essentiel, à l’essence. Celle des Pères fondateurs basée sur l’expérience personnelle, concrète et physique. Il faut laisser tomber les recettes toutes prêtes et chercher en soi… Jusqu’a ressentir une unité avec le monde et une connection intime.
Mais au delà de notre réalisation personnelle, l’important est le lien au monde et notre participation à ce grand dont nous faisons partie « une osmose d’âme à âme, une communion des consciences » ou tout ce qui passe en l’une « nos actions, nos pensées, nos désirs, nos peurs, nos haines, nos mouvements d’amour… » impacte toutes les autres, voir l’ensemble de l’univers.
« La révélation de ce mystère fantastique n’empêchera sans dote pas les brigands de dévaliser et les meurtriers d’égorger, reconnaît François Brune, mais si elle peut aider des gens à revoir leur échelle de valeurs, s’extirper de l’avoir pour redonner sa place à l’être, trouver un sens à leur vie et me er une existence meilleure, plus attentive à leur entourage, ce sera déjà pas mal. »
Inexploré, n°16