7 Décembre 2017
Quelle est l'influence d'Allan Kardec dans le monde brésilien ?
Cet homme qui a révolutionné les relations entre les mondes, qu'a-t-il apporté au Brésil ? Tel est le sujet de ce mois : Comment le Spiritisme a-t-il séduit 16 millions de Brésiliens...
Le Brésil est un pays immense qui représente à peu près 16 fois la France. Ce pays est occupé par une population très diversifiée : des amérindiens, des noirs descendant des anciens esclaves ; des descendants d'européens, avec un mélange très important de toutes races. Ce pays n'a que 500 ans d'existence. Est ce parce que ce pays est jeune qu'il n'a pas su garder des traces de son passé, de son histoire ? On ne retrouve aucun temple Maya, Inca, etc. On retrouve à peine des traces des anciens colonisateurs. Le Brésil contemporain est un pays qui a choisi la modernité à tout prix. Les gratte-ciels sont construits à tour de bras et en plein centre des villes. A côté de cela la plus grande misère (favelas ou bidonvilles) peut côtoyer la plus grande richesse cachée dans des buildings de béton. Le Brésilien en a conscience. Mais il n'v peut rien. comme si une sorte de fatalité pouvait expliquer cela.
Face à ses contrastes, le Brésil est un des pays au monde où la foi est largement répandue. Une foi forte et ardente en Dieu et dans le monde invisible. Ceci explique l'importance des religions dans ce pays de 165 millions d'habitants. Le Brésilien vit sa foi sans s'accrocher à tout prix à une religion. Il peut être catholique à un moment, évangéliste à un autre, pratiquer le Vaudou, le Candomblé, le Macumba, et croire en la réincarnation. Il y a au Brésil près de 16 millions de spirites déclarés, augmentés de spirites sympathisants et plus de 50 % de la population qui croit à la réincarnation, à l'immortalité de l'âme, à la manifestation des Esprits. Le Spiritisme a trouvé dans ce pays un terrain, une population, des circonstances, des conditions qui ont permis de l'accepter, de le développer, de l'appliquer.
Le 23 septembre 1863, le Journal du Commerce de Rio de Janeiro, a publié la « Chronique de Paris », dans laquelle l'auteur affirmait que la manifestation des Esprits dans plusieurs endroits du monde se présentait comme une « invasion générale » de « très grande importance » Paola Giovetti rappelle que l'une des sœurs Fox a reçu un message qui « est devenu célèbre et a été considéré comme le manifeste du spiritisme : « Chers amis, ceci est l'aube d'une ère nouvelle ; il ne faut plus le cacher. Faites votre devoir et Dieu vous protégera, de même que les bons Esprits : » En effet, à partir de 1848, l'invasion des Esprits est devenue universelle ; ils ont non seulement globalisés le mouvement, mais ils ont aussi donné des connaissances aux incarnés, dans plusieurs secteurs, à travers les médiums. Kardec a recueilli ces enseignements, les a analysés et a élaboré les fondements de la Doctrine Spirite.
Cette annonce allait trouver un sol fertile dans la psychologie du peuple brésilien. Héritiers de trois ethnies - l'indigène, la blanche et l'africaine - dotés d'une profonde affectivité, sans les préjugés qui parfois entravent le développement des vérités nouvelles, le Brésilien les a reçues dans son âme.
Au Brésil, selon les Archives Publiques de l'Etat de Bahia, on trouve l'enregistrement d'un procès-verbal du juge municipal du 24 mai 1845, qui parle des réunions réalisées pour entendre « les révélations des âmes des morts ». En 1853, à Rio de Janeiro, se trouve déjà le groupe du Dr Melo Morais qui bavardait avec les désincarnés.
Dans la capitale de l'Etat du Ceara, Fortaleza, José Smith de Vasconcelos, le Baron de Vasconcelos et son groupe réalisent des expériences avec des « tables tournantes », en attestant la véracité des nouvelles qui viennent de l'Europe et de l'Amérique. Des journaux de Rio de Janeiro, Pernambuco et Ceara font de grands reportages sur la nouveauté.
A partir du moment où l'œuvre de Kardec surgit au Brésil, un groupe de Bahia, dirigé par Luiz Olimpio Telles de Menezes, commença à l'étudier. Luiz Olimpio Telles avait plusieurs activités : il était professeur de latin et membre de l'Institut Historique de Bahia, journaliste, capitaine de la Garde Nationale, abolitionniste convaincu, etc. Le groupe qu'il forma, auquel appartenaient des personnes importantes du milieu intellectuel, réalisa sa première réunion spirite le 17 septembre 1865, à 22h30, et se nomma par la suite officiellement, le Groupe Familial du Spiritisme.
En février 1866, Luiz Olimpio Telles publia le livre Philosophie spiritualiste, pour défendre la pensée d'Allan Kardec durement critiquée dans des articles du français Amédée Déchambre, traduits dans la Gazette Hebdomadaire de Médecine, et publiés, en 1865, par le Journal de Bahia. Dans son livre, Luiz Olimpio Telles fait une relation entre la doctrine des spirites et le message de Jésus. La réaction à cet article ne se fait pas attendre, Dom Manoel Joaquim Silveira, archevêque de Bahia, lance en 1867, une lettre pastorale, dans laquelle il se propose de subjuguer « les erreurs pernicieuses du spiritisme ». Le Catholicisme, à l'époque, était la religion officielle de l'Empire Brésilien, de sorte que les autorités ecclésiastiques se jugeaient comme étant les « représentantes uniques » du Christ sur la Terre. Mais Luiz Olimpio Telles répondra à la Lettre Pastorale de l'Archevêque dans la deuxième édition de son livre, en 1867.
Continuant le travail de divulgation des directives de Kardec, il édite en 1869 un journal intitulé « Echo d'Outre-tombe », moniteur du spiritisme au Brésil, un périodique bimensuel qui fut édité jusqu'en 1871. Une partie des revenus du journal fut destinée à libérer les esclaves. Le 28 novembre 1873, les composants du groupe Familial décidèrent de constituer la société scientifique - association spirite brésilienne - afin de faire face à l'hostilité de l'Église Catholique, Luiz Olimpio Telles ayant été son premier président.
A Rio de Janeiro, surgit la première institution spirite nommée Société d'Études Spirites du groupe Confucius, et par la suite, après sa dissolution, a été fondée la Société des Etudes Spirites « Dieu, Christ et Charité ». Les centres spirites se multiplièrent dans tous les Etats. En 1884, fut crée la Fédération Spirite Brésilienne dans laquelle brillera comme un élément pacificateur et d'évangélisation la figure Bezerra de Menezes , illustre médecin.
A la tête de la Fédération Spirite Brésilienne, de 1895 à 1900, le médecin Adolpho Bezerra de Menezes Cavalcanti, contribua non seulement par des articles publiés dans le journal "0 Pais", de 1887 à 1894 et par d'importants livres, mais aussi et surtout grâce à l'exemple qu'il a laissé d'un homme de bien pour l'expansion du Spiritisme.
La première édition brésilienne du "Livre des Esprits", traduit par Joaquim Carlos Travassos, a paru en 1875, tandis que la revue « 0 Reformador » (le Réformateur), a été fondée en 1883, par Augusto Elias da Silva, qui a été plus tard adoptée par la FEB et qu'elle édite encore de nos jours.
Toujours au XIXe siècle, à Sâo Paulo, Antônio Gonçalves da Silva ou « Batuira » a créé le journal «Verdade e Luz » (Vérité et Lumière), qu'il distribua lui-même, de maison en maison, et même dans la fameuse faculté de Droit du Largo Sâo Francisco.
Dans l'Etat de Sâo Paulo et de Rio de Janeiro, Anâlia Franco, la Grande Dame de l'Education Brésilienne et son mari, Francisco Bastos, fondateurs de foyers pour l'enfance abandonnée, ont créé aussi, en 1908, les journaux « A Voz Maternai » (la Voix Maternelle) et « Natalicio de Jesus » (Naissance de Jésus) qui traitaient de thèmes liés à l'éducation et à la doctrine.
Même s'il n'a rien publié, Euripedes Barsanuflo , dans la ville de Sacramento, dans l'Etat de Minas Gerais, a laissé des marques profondes dans le mouvement, avec la création, en 1900, du Collège Allan Kardec où il fut un professeur très dévoué jusqu'en 1918 quand il se désincarna. Modèle d'amour au prochain, son influence est toujours très vive de nos jours.
Cairbar Schutel a été le grand bastion de la divulgation spirite. Il a écrit d'innombrables livres et a édité un journal, en 1905, « 0 Clarim » et la « Revue Internationale du Spiritisme », en 1925. Il résidait à Matâo, une toute petite ville de l'Etat de Sâo Paulo, mais cela ne l'a pas empêché de se communiquer avec le monde entier.
Le Dr Silvino Canuto Abreu est un autre grand divulgateur. Ami de Léon Denis, il a établi de fortes liaisons entre les mouvements français et brésilien, et il a reçu plusieurs documents précieux qui ont appartenu au codificateur lui-même et à la Société d'Etudes Spirites de Paris. Dans le Journal « Unificaçâo », de l'Union des Sociétés Spirites de l'Etat de Sâo Paulo, il publia une série d'articles historiques, et même une édition bilingue du Premier « Livre des Esprits», en 1957, année du centenaire.
Le philosophe et journaliste, Herculano Pires, signa pendant 20 ans à une colonne hebdomadaire de Spiritisme dans le Journal « Diârio de Sâo Paulo », sous le pseudonyme de Frère Saulo ; il a aussi produit la « Revue d'Éducation Spirite ».
Divaldo Pereira Franco a commencé, en 1947, son incomparable mission de répan dre la Doctrine au Brésil et dans le monde. Pendant 57 ans sans interruption, il a déjà réalisé de dix mille conférences dans les cinq continents. Le 18 avril 1974, sous l'orientation spirituelle du médium Chico Xavier, a été lancé le journal « Folha Espirita », dont la première direction a été composée de Freitas Nobre, Jamil N. Salomâo, Paulo Rossi Severino et Marlène Rossi Severino Nobre.
Ce fut le premier journal spirite en vente dans des kiosques à journaux. D'autres périodiques sont aussi dirigés au grand public comme le Journal Spirite, et plus récemment les revues Universo Espirita, Além da Vida et Espiritismo e Ciência,et de nombreuses autres brochures qui aident les mouvements régionaux.
Il faut aussi souligner la valeur des entités culturelles, comme celle de l'Institut de Culture Spirite du Brésil, fondé par Deolindo Amorim, à Rio de Janeiro, avec des cours spéciaux de Spiritisme ; l'Institut de Recherches Psychobiophysiques, sous la direction scientifique de Dr Hernani Guimarâes Andrade, une autorité mondiale dans la recherche paranormale ; l'Association de Médecine Spirite du Brésil, fondée en 1995, mais qui dont la première entité a été fondée à Sâo Paulo en 1968 ; l'Association Brésilienne des Magistrats Spirites, qui rassemble des centaines de membres du Pouvoir Judiciaire.
Mais, sans aucun doute, le plus grand propagateur de la doctrine spirite, au XXe siècle, non seulement au Brésil comme dans le Monde entier, ce fut Francisco Cândido Xavier.
Source : http://www.cslak.fr/bibliotheque/sujets-du-mois/48-histoire-spirite/400-spiritisme-au-bresil