Les alentours de Brasilia sont connus pour leurs médiums et leurs centres spirites. C’est dans cette région qu’a été fondée en 1929 la première ville spirite du pays, Palmelo. C’est aussi à Abadiânia, à 70 km de la capitale, qu’exerce actuellement le plus célèbre des médiums du Brésil, João de Deus (Photo en haut de page), qui en 55 ans de pratique a reçu plus de neuf millions de personnes en consultation… Encore plus près, à Gama, dans la banlieue de Brasilia, Valentim Ribeiro Souza, compte aussi parmi les médiums les plus sollicités du pays…
Question : qu’est-ce qu’une opération spirituelle ?
Bruno Guinard : selon les médiums spirites c’est une intervention qui se fait sur l’esprit du patient.
Cette intervention, qu’on appelle aussi chirurgie, ou encore traitement, est un ensemble de procédés thérapeutiques d’origine spirituelle ou religieuse, comme la prière ou la bénédiction, mais aussi matérielle, comme l’absorption de calmant naturel (en général de la passiflore). Le médium intervient sur le périsprit (voir texte précédent) qui se reflète sur la matière (le corps). Ces interventions sont dirigées par des esprits « désincarnés » (de défunts) qui guident les gestes du médium, celui-ci est alors « incorporé » par l’esprit d’un médecin, d’un chirurgien, ou d’un guérisseur de l’au-delà. On pourrait assimiler ce phénomène à des transes, puisqu’il existe un état second, tant du coté du médium, qui est momentanément habité par une entité non palpable, que du patient, qui reçoit des soins parfois incisifs, sans ressentir de douleurs.
Question : que peut-on opérer ?
BG : il n’y a pas de restrictions, a priori les médiums interviennent sur toutes les pathologies, qu’elles soient chroniques ou opportunistes, certains se sont spécialisés ; comme par exemple João de Deus, qui opère beaucoup le nez et les yeux. Les patients ont donc recours aux médiums pour tous les types de maladies, dont les tumeurs malignes qui sont parmi les plus fréquentes depuis quelques années.
Question : concrètement comment se passe les opérations ?
BG : il y a une ligne de conduite qui est la même pour tous les centres spirites, mais selon le médium qui opère il peut y avoir quelques variantes, en général ça se passe comme cela : le partient se présente au centre spirite et entre dans la queue avec les autres patients. Certains centres distribuent des fiches avec des numéros afin de limiter les consultations, s’il n’y a plus de fiches il faut revenir un autre jour. Il n’y a pas de consultations sur rendez-vous, il faut s’armer de patience. On ne demande rien au patient, ni pièce d’identité, ni argent, ni religion, on ne remplit aucun document, c’est très anonyme. Le médium est toujours entouré de nombreux assistants et c’est devant ce groupe que le patient se présente. Il est très rarement opéré au premier passage, c’est le médium qui décide du moment qui lui semble propice. Parfois on repasse plusieurs fois devant les médiums avant d’être opéré. Quand le médium a décidé d’opérer, les assistants vont chercher le patient qui est assis dans la salle d’attente. Le patient doit toujours se présenter vêtu de blanc pour être reçu et opérer, les médiums et assistants le sont aussi.
Suivant le médium et la pathologie, le patient est opéré assis, debout, ou même allongé. L’intervention ne dure que quelques minutes, le patient est ensuite conduit dans une salle de repos. Suivant son état il y reste assis ou allongé, on lui donne un verre d’eau « énergisée » et quelques recommandations pour son alimentation et son quotidien pour les jours ou les semaines qui suivent. On lui conseille aussi de ne pas arrêter ses traitements en cours.
Question : à quel moment il y a utilisation d’instruments et lesquels ?
BG : certains patients préfèrent sentir qu’il a eu une vraie intervention sur leurs corps, dans ce cas le médium peut inciser en utilisant du matériel très basique de chirurgien, bistouri, parfois ciseaux ou simple couteau, comme le fait João de Deus pour les interventions de la cataracte. Les incisions sont toujours superficielles, mais il y a forcément du sang et il faut coudre pour refermer la plaie, ce sont les assistants qui se chargent de cela, mais la grande majorité des interventions se fait sans incision.
Question : dans les cas d’incision il y a douleur et risque d’infection, non ?
BG : la douleur est le grand mystère de ces interventions, ou plutôt l’absence de douleur. J’ai assisté à plusieurs opérations dont l’une où j’étais accompagné d’un médecin non spirite. Au regard de ce qu’il a observé de près, il a dit que la seule chose qu’il n’arrivait pas à expliquer de façon rationnelle, c’était justement l’absence de douleur. Les spirites l’expliquent par la présence de l’esprit guérisseur qui agit sur « l’enveloppe » du corps, le périsprit, provoquant une sensation d’anesthésie chez le patient. Cela peut se comprendre quand il n’y a pas incision, dans le cas contraire, il faut chercher l’explication du coté de la foi, en sa guérison d’une part, mais aussi envers les médiums et leurs entités, tout cela se mêle dans un état de transe et parfois d’hypnose. Quant aux infections, là aussi les spirites l’expliquent par l’intervention des esprits qui bloqueraient l’approche de bactéries sur la zone traitée. Plus rationnellement, on sait aussi que les petites incisions ne provoquent pas systématiquement des infections.
Question : donc aucun médicament n’est prescrit ?
BG : aucun, sauf pour certains centres qui prescrivent de la passiflore comme calmant. Des médiums médecins peuvent parfois prescrirent des remèdes naturels ou homéopathiques. En tout cas, même en cas d’incision, il n’y a pas d’antibiotiques !
Question : tu as parlé de foi, autrement dit si on ne croit pas ça ne marche pas ?
BG : ça semble assez évident et ce n’est pas propre á la médecine spirite. On sait que l’état psychique a une influence sur la guérison, que c’est en baissant les bras qu’on a le moins de chances de guérir. Pour les spirites, croire est fondamental, c’est d’ailleurs une des raisons qui fait que certains candidats à l’opération doivent revenir plusieurs fois au centre avant d’être soignés. Sans doute ces patients ne sont-ils pas prêts. Si on accepte le principe de se faire soigner par un esprit, comment pourrait-on se laisser faire si on ne croit pas qu’il existe ? Ce serait contradictoire, il faut donc être ouvert sur cette possibilité, aller jusqu’au bout de sa démarche sinon c’est perdre son temps. C’est le même phénomène quand on va à Lourdes, si on a pas la foi on a pas grand chose à y faire.
Question : il peut y avoir aussi le désespoir de gens pour qui c’est l’ultime recours.
BG : c’est certain, mais s’ils font cette démarche c’est qu’il leurs reste un espoir, ce qui les rapproche de la foi. Il est vrai que l’immense majorité des patients n’est pas liée au spiritisme, et que ces malades recherchent les guérisseurs parce qu’ils sont considérés incurables par la médecine traditionnelle.
Question : a-t’on une idée du pourcentage de guérisons ?
BG : il n’y a pas de données là-dessus et cela pour plusieurs raisons. D’abord tout est anonyme, on a donc pas les moyens de connaitre la suite. Certains patients reviennent régulièrement, d’autres qu’une seule fois, sont-ils décédés, ont-ils guéri ? On ne le sait pas. En revanche, on sait qu’il existe un très grand nombre de témoignages positifs, soit de patients soit de leurs proches, car ce sont eux qui indiquent les centres spirites à d’autres malades. On peut donc en déduire qu’ils sont satisfaits.
Question : comment identifier un charlatan ?
BG : s’il demande de l’argent mieux vaut garder ses distances. Les médiums reconnus par la Fédération Spirite ne prennent pas d’honoraires, les centres fonctionnent grâce à des dons, eux aussi anonymes, mais provenants en général des adeptes spirites eux-mêmes. Le guérisseur, ou médecin spirite, a toujours une autre activité en dehors des centres, il ne vit pas des consultations ni des interventions. En revanche, les charlatans essaient d’en faire une activité lucrative.
Question : pour conclure, quel crédit tu apportes à ces guérisons spirituelles ?
BG : le soutien moral, le réconfort et l’ambiance spirituelle qui entourent les interventions jouent, à mon avis, le rôle le plus important dans la guérison des malades. Bon nombre des patients déclarent avoir été guéris, ou en tout cas se sentir comme tel, avant de passer par les mains du médium. C’est qu’avant l’opération, ces malades se retrouvent au milieu d’une foule pour une attente qui peut durer des heures et se répéter pendant plusieurs jours. Cette foule est essentiellement constituée de gens qui ont la foi, qui prient, qui s’entre-aident, s’écoutent et compatissent, il y a une ambiance où plus rien ne compte, ni le matériel ni ce qu’est l’autre dans la vie en dehors de ce moment au centre. Les masques tombent, toutes les énergies se concentrent sur la guérison, une inhabituelle sensation règne, comme de l’amour à l’état pur, même les plus fermés finissent par se laisser emporter. Je crois qu’à partir du moment où on se laisse emporter on est déjà sur la voie de la guérison, et c’est sans doute pour cela que ceux qui ne sont pas « prêts », sont priés de revenir, jusqu’à ce qu’ils soient imbibés de cette ambiance de foi et d’amour. Quant à la guérison en elle-même, celle du corps, il y a des malades, comme des cancéreux par exemple, dont on sait qu’ils n’ont pas guéri. Mais presque toutes les personnes de leur entourage sont d’accord pour dire qu’ils ont eu une fin de vie plus confortable, moins douloureuse, avec une plus grande acceptation de leur malheur et une liaison avec le spirituel qu’ils n’avaient pas avant. D’autres ont vu l’évolution de leur maladie s’arrêter, sans pour autant disparaitre, certaines tumeurs cessent de se développer. Bien sûr ce ne sont peut-être que des phénomènes naturels, des miracles que la science n’explique pas. On dit que la foi peut déplacer des montagnes, alors associée aux esprits peut-être qu’elle peut faire bien davantage ?
Sources : Bruno Guinard - https://www.brasil-agora.com/2016/12/13/guerisseurs-les-operations-spirituelles/